18 ans: l'insouciance?

Publié le par le soldat en chocolat

 
L'année de mes 18 ans, je l'ai passée à Lyon (Villeurbanne précisément).
J'y est étudié à la Douas, en Fac de bio (après un bac S, je devait aller à la Fac et ne voulais aller ni en math, ni en physique, ni en chimie... donc).
Ma soeur à peine aînée aussi étudiait là-bas. Nous logions donc ensemble, dans un appartement sous les combles d'un vieil immeuble lyonnais. Cent six marches à monter, autant à redescendre (et c'est moi qui faisait les courses!).

L'année de mes 18 ans, c'est l'année où symboliquement, j'ai perdu ma mère.
C'est aussi l'année où j'ai découvert une soeur. Une amie.

Cette année-là, elle a symboliquement perdu sa mère, elle aussi. Seulement en plus, elle a trouvé un prédateur.
Un prédateur dont elle ne pouvait pas se méfier... notre mère.

Elle était délirante (ce n'est pas drôle) et l'a entrainée avec elle, loin des berges de la réalité, phagocitée dans le délire.


Je ne comprends pas les folies.
Pardon: les maladies psychiatriques (un peu de sacralisation, "folies" ça ne fait pas sérieux, ça ne fait pas grâve).
Un cancer, je comprends comment ça se développe, un infarctus aussi, mais une bouffée délirante aigüe?
Comment la perception de la réalité peut se distordre à ce point?
Au point de croire que de la lumière lui dit qu'un prof de ma soeur est secrètement épris d'elle?
Au point de croire que son téléphone est sur écoute?
Au point de croire qu'on lui parle par code, avançant caché?
Au point de croire que si je suis avec Hervé, ce serait parce qu'il serait grand maître d'une loge maçonnique (la preuve? je l'appelais "Mister Red Man", par rapport à son équipement de randonnée... rouge: et bien elle en avait conclu que c'était ma façon de lui donner une clef pour savoir de quelle loge il s'agissait)?

Je n'avais pas lu Dan Brown, et elle non plus!



Avec maman, je faisais des parties de Scrabble.
(ça fait des années que je n'y ai pas rejouer...)
Je ne savais pas comment l'approcher, la toucher, je veux dire émotionnellement, comment entrer en échange intime avec elle.

C'est de ça dont j'ai le plus souffert à cette période. De la mise  distance.
C'est peut-être le propre des folies?
De tout mettre à distance, la réalité, les émotions, les gens, l'amour?


Alors je suis entrée en deuil.
Un deuil impossible: le deuil de quelqu'un de vivant. De vivant et de présent.


Cette ère, je peux l'évoquer avec mes frères et soeurs, en avançant très délicatement, et encore.
Pour la plus jeune, c'est tabou.
Pour les autres, le non-dit semble convenir.

Pour mes parents, c'est un pendu dans un placard, avec cerbère devant, placé par leurs soins.
Récemment, j'évoquais avec ma mère un livre. Elle l'avait lu à cette période. Elle m'a dit qu'elle ne voulait plus entendre parler de ce qui la renvoyait "là-bas".







Je ne veux pas de ce secret!
Je veux pouvoir parler de cette maladie à mes enfants!
Je veux qu'ils puissent poser des questions dessus à mes parents!

Je ne veux plus me sentir me sentir coupable (de ne rien avoir vu, compris, senti, alors que tout était fait pour).
Je ne veux plus me sentir méprisable, jugeable pour une pathologie que me mère à traversé.
Je ne veux plus me sentir mal à l'idée des questions de mes enfants.




Comment aborde-t-on la folie avec des enfants?

Publié dans remonter le courant

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
ah ah... travailler en psychiatrie !Tout dépend du message qque tu souhaites passer... Je diraiTout le monde est différent etvoit les choses de façon différentes, certains sont plus différents encore ; c'est le cas de ta grand mère. Ou ta grand mère fait ou dit des choses qui ne ma paraissent pas exactes, dans ma vision des choses.Ou ta grand mère a une maladie. Ce n'est pas physique, c'est mental.C'est du concret ça ! Donc forcément, cela ne te conviendra pas... il n'y a que toi qui sache trouver les bons mots !Ton blog est une merveille de réflexions qui ne manquent pas de profondeur... Merci.
Répondre
M
Le plus gros frein pour moi, c'est que la bouffée délirante aigüe de ma mère est sensée être finie (je dis "sensée" parce que ma famille n'a pas fini d'en souffrir et moi non plus).Donc quelque part, je me demande si il est bien utile de parler de quelque chose qui n'est plus d'actualité, tout en l'étant encore...Tu vois, c'est d'un limpide dans ma tête...Je crois que je vais chercher des livres pour enfants sur les folies, ou au moins sur la différence et ouvrir la porte aux questions de mon fiston...En espérant qu'il y en aura!
P
Moi aussi, Agnès, mon père était "fou". Schizophrénie et crises de Délirium ont rythmé mon enfance au gré de son alcoolisme et de la violence sur ma mère. J'en ai été consciente très jeune.<br /> Longtemps, je l'ai haï, j'avais aussi très peur de lui. Et puis, j'ai poussé ma mère à le quitter. Nous n'avons pas eu de nouvelles pendant 15 ans, jusqu'à ce qu'on nous annonce sa mort (seul, de faim et de soif, paralysé par une crise dans un appartement payé par une tutelle). Là, je me suis sentie très triste pour lui, mais aussi soulagée que cette longue de vie de calvaire soit finie. J'ai murmuré "paix à ton âme, papa".<br /> Entre-temps, j'avais cheminé, seule sans l'influence maternelle remplie de haine. J'ai compris que c'était vraiment une maladie mentale, et non un choix volontaire. Et j'ai réussi à le plaindre dans les épreuves lourdes (très lourdes) qu'il a vécues depuis sa naissance (père ultra violent, guerre d'algérie, déracinement, un viol subi durant la guerre etc.) et qui ont probablement été à l'origine de sa maladie. Oui, j'ai réussi à le plaindre, à voir de son côté, à comprendre ses souffrances...et ce, d'autant plus que j'ai été maman ; je me suis dit que personne, sans doute, ne voudrait volontairement d'une telle vie.
Répondre
M
Je voudrais te dire toute l'empathie que j'ai pour toi, toi aujourd'hui adulte, mais aussi enfant, jeune fille et jeune femme.Pour l'irresponsabilité des personnes souffrant d'une maladie mentale, c'est une notion qui me laisse très ambivallente. D'un côté je juge ça "trop facile" et d'un autre je sais bien que ça ne l'ai pas... J'ai encore besoin de grandir ma compréhension et ma façon d'aborder les maladies mentales, les folies... Une fois ma psy m'a dit qu'il était possible que j'aille un jour travailler en psychiatrie (ce qui est exclu pour le moment), pour me confronter à la folies, aux folies, pour finir de panser mes plaies...A voir...
A
Sans faux semblant, le + simplement du monde... <br /> "Facile" tu me diras, comme réponse... je travaille en psychiatrie... Mais rien ne sert de chercher des mots, de se metrre des barrières, les enfants sont tellement intuitifs, ils comprennent tout pour peu qu'on réponde à leurs questions, non ?<br /> Merci pour ce témoignage qui me touche. Ma mère, et mon père, sont malades mentaux eux aussi. Pas aussi "visible" que ta mère, mais quand même...<br /> Je t'embrasse.
Répondre
M
"Facile" effectivement, c'est à peu près ce que j'ai pensé...Concrètement, tu dirais (dis?) quoi à un enfant (de.. 4 ans, par exemple!)?Je t'embrasse moi aussi, toi et ce bébé tout neuf que je n'ai pas encore salué...